[lectcriture] Aylan
J’ai serré une de mes filles, Chloé, trois ans, dans mes bras hier soir, sans y penser juste pour la faire rire et l’embrasser. M’est revenue alors comme un flash cette image d’Aylan, le visage contre le sable de cette plage turque qui nous a brûlé la rétine toute la journée. Chloé dans mes bras, j’ai pensé à la maman d’Aylan qui a dû le tenir ainsi au long de son voyage, j’ai pensé à la maman d’Aylan qui devait le tenir contre son cœur pour le protéger de ses peurs et de cette incompréhension vertigineuse qui devait l’envelopper, j’ai pensé à la maman de ce petit garçon qui devait le tenir ainsi contre son cœur chavirant entre l’espoir fou de quitter l’enfer et celui d’affronter sa propre mort, j’ai pensé à cette maman qui devait le serrer plus fort encore ainsi lorsqu’elle est montée, probablement accompagnée du papa, dans cet esquif aussi ténu qu’un fil d’araignée auquel on serait suspendu dans le vide, j’ai pensé à cette maman qui devait le serrer encore si fort dans ses bras en pleurant de peur quand le bateau a coulé, j’ai pensé à cette maman qui le serrait dans ses bras quand la mer s’est refermée sur eux.